La mort
La mort n'est pas une fin en soi. C'est tout achever, tout finir, jusqu'à ce que mort s'ensuive, qui est une fin en soi. Mais encore : vivre à en mourir, désirer de toutes ses forces, jusque dans la mort.
La mort est aujourd'hui taboue. Notre monde aseptisé cache ses morts, cache la mort, en en faisant l'opposée de la vie, et non partie de la vie. Quand je dis la vie comprend la mort, comprendre est difficile à comprendre. La pirouette pseudo-logique de "Tant que nous existons, la mort n'est pas, et lorsqu'elle apparaît, nous n'existons plus ; la mort ne peut donc nous rencontrer" témoigne de cette incompréhension.
La mort n'est pas séparée de la vie, n'est pas opposée à la vie. La mort n'est rien d'autre qu'une conclusion, une fin. La métaphore du livre qui se referme a souvent été utilisée pour la vie. Rien dans la fin d'un livre qui soit à ce point nié, comme la mort à notre époque, ou opposé au contenu même du livre. Arriver à la fin du livre permet d'en comprendre l'idée, de l'ensemble et de chacune de ses parties, dans sa forme et son contenu intimement liés.
Comme tout tabou, le tabou de la mort montre combien nous sommes concernés par ce qu'il veut censurer : la mort.
Qui n'a jamais été en danger de mort ?
Qui ne s'est jamais révolté contre la mort d'un proche ? Et pas seulement à deux ans mais à cinq ans, et pas seulement à vingt ans mais à cinquante ans. La mort n'est à ce point révoltante que quand elle semble nous éloigner de la réalisation du genre en nous privant de l'un des nôtres. La mort n'est à ce point révoltante que quand elle entrave mon désir, désir de l'autre, connu, désir de l'autre, inconnu. Nous sommes alors des Gilgamesh qui découvrons la mort.
Vieillir ne laisse pas