La nuit de mai de musset
Présentation
Choisir d'évoquer l'engagement d'André Gide en faveur de l'U.R.S.S. durant la première partie des années trente, c'est avant tout se faire l'écho de l'engagement politique particulier de ces hommes et de ces femmes, des intellectuels pour la plupart qu'Arthur Koestler appelait des "non-aryens"1, qui mirent tout leur talent et tout leur art au profit d'une cause, celle du soutien à la révolution soviétique, et que l'on surnommait volontiers ironiquement les compagnons de route. Dès lors, comprendre l'engagement gidien pour LA cause et son apostasie presque simultanée ne peut se faire sans auparavant avoir déterminé la singularité du mouvement d'opinions qui porta Gide à se prononcer clairement pour la première fois de sa vie en faveur d'un projet politique. Ainsi, avant de s'engager plus loin dans la réflexion, il y a lieu tout d'abord de déterminer avec précision ce que l'on entend par le terme compagnon de route, spécialement dans la France des années trente qui nous concerne plus spécialement ici.
Dans un premier temps, il faut se souvenir que l'intérêt pour les intellectuels en tant que groupe social déterminé est devenu depuis quelques décennies un facteur presque évident de la vie publique française. En effet, la France est pratiquement sans égale dans la considération qu'elle réserve à ses intellectuels en tant que classe sociale presque à part2. Il n'y qu'à faire référence à la place qui est encore aujourd'hui accordée à des figures aussi emblématiques qu'Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy ou Pascal Bruckner dans le paysage médiatique et audiovisuel français pour s'en convaincre. Il est vrai que les intellectuels français s'estiment, en France plus qu'ailleurs, les gardiens d'une vocation supérieure, celle de l'esprit, mais la société française le leur rend bien, puisqu'elle leur prête leur propre échelle de valeur et accorde une oreille attentive, fut-elle sceptique, à leurs nombreuses