La parole
- La thèse de Nicolas Grimaldi s'inscrit dans un débat classique portant sur la question de l'antériorité respective du langage et de la pensée. Selon que l'on affirme l'existence en nous de celle-ci avant son expression ou qu'au contraire on nie la constitution d'une véritable pensée sans les mots capables de la circonscrire, on conclura très différemment sur le pouvoir de la parole. Dans le deuxième cas, en effet, celui auquel se rallie notre auteur, la parole se trouve valorisée dans sa capacité à étoffer une pensée qui, sans elle, reste un flux informe. Bien loin que notre langage, écrit encore Nicolas Grimaldi, mutile ni détourne notre pensée, c'est au contraire notre pensée qui est trop chétive et trop simple pour l'ampleur et la richesse de son langage.
- Hegel a posé de manière nette cette naissance de la pensée dans le langage : « On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable… Mais c'est là une opinion superficielle sans fondement; car en réalité l'ineffable c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. Sans doute on peut se perdre dans un flux de mots sans saisir la chose. Mais la faute en est à la pensée imparfaite, indéterminée et vide, elle n'en est pas au mot. Si la vraie pensée est la chose même, le mot l'est aussi lorsqu'il est employé par la vraie pensée. Par conséquent, l'intelligence, en se remplissant de mots, se remplit aussi de la nature des choses.» (Hegel, Philosophie de l'esprit, § 463)
- "Je n'en dis pas plus, mais je n'en pense pas moins" : l'expression courante peut nous aider à poser clairement le problème. Alors que parler peut désigner l'émission mécanique des mots, dire manifeste une intention de communication, un propos concerté que le verbe penser pourrait circonscrire. Mais pensons-nous vraiment nos propos avant