La place de la parole dans le théâtre européen
Antonin Artaud, poète, romancier, acteur et théoricien du théâtre français, dans son essai Le Théâtre et son double, écrit en 1938, déplore que le théâtre en Occident soit uniquement un « théâtre de la parole ». Si l’on se réfère à l’étymologie, le théâtre, du grec Theatron, regarder, contempler, désigne à l’origine un lieu d’où le public observe un spectacle. Cette désignation s’étend à la Renaissance à l’ensemble de l’édifice du spectacle (scène comprise) ainsi qu’à l’art dramatique (du grec drama, « mouvement »). Ce n’est finalement qu’après la période du théâtre classique que le terme désigne aussi la littérature écrite spécialement pour la représentation théâtrale. De plus, la parole, dont l’origine grecque signifie « rapprochement, comparaison », est le langage incarné de l’Homme qui permet au locuteur de communiquer des besoins, pensées, sentiments, souffrances, aspirations … Le « théâtre de la parole » dont Antonin Artaud déplore l’omniprésence dans le théâtre occidental, relève donc presque de l’antithèse puisque le théâtre désigne à la fois les paroles et leur mise en scène.
Ainsi, selon Artaud, la Parole est tout et dirige tout au théâtre, et même la mise en scène ne peut la compléter. Cependant, ne peut-on pas affirmer que le théâtre européen constitue un spectacle complet, alliant parole, gestes et mise en scène ?
Tout d’abord, nous montrerons que le langage est effectivement très présent dans le théâtre occidental et limite énormément les possibilités de mise en scène. Nous verrons ensuite que cette apparente suprématie de la parole cache une grande diversité de moyens pour mettre en place une intrigue cohérente. Finalement, nous présenterons comment le théâtre dépasse ces simples contradictions, par toute la richesse qu’il nous offre.
Un théâtre se limitant à la parole
1 Un spectacle avant tout oral
Argument 1 : Il n’existe pas de théâtre muet. Un spectacle sans paroles est un mime. La