La plaine verhaeren les villes tentaculaires
Les strophes de « La Plaine » nous font suivre le parcours d’un regard attentif aux transformations de la campagne en un espace industriel.
I.) Observation des changements affectant la nature
a.) Le parcours du regard
Le champ de vision est d’emblée entièrement occupé par l’image de la plaine ; le titre au singulier repris en anaphore et l’énumération au pluriel des différents lieux s’étirant sur un enjambement nous font survoler la plaine dans une vision panoramique, « … avec ses clos, avec ses granges/ Et ses fermes ». La reprise du premier hémistiche « La plaine est morne » à la fin du quatrain joue sur l’homophonie : « La plaine est morne et morte ». Le survol en plan général de la plaine uniforme nous introduit dans un espace irrémédiablement mort. À ce mouvement panoramique du regard se superpose, dans la quatrième strophe, une autre vision qui efface l’image de la plaine : le passé lumineux « où s’étageaient les maisons claires/ Et les vergers et les arbres parsemés d’or » disparaît sous un sombre présent qui vient recouvrir et obscurcir la totalité de l’espace : « On aperçoit, à l’infini, du sud au nord, / La noire immensité des usines rectangulaires. ». La vision, préparée dès la troisième strophe par la dégradation de la lumière d’ « un soleil pauvre et avili », se poursuit dans un mouvement d’expansion « vers la rivière » (v.25), « au long des fossés » (v.32). Les cinquième et sixième strophes, s’allongeant respectivement sur seize et dix neuf vers, peignent un sombre tableau avec ses « meules nocturnes » (v.21) et ses « berges obscures » (v.32) avant la plongée au cœur de ses usines noires. Le regard pénètre alors dans l’univers du travail « sous des hangars tonnants et lourds » (v.34), circule « pièce par pièce, étage par étage » (v.40), découvre la présence des « gens » au labeur, puis s’arrête en gros plan sur « des gouttes de sang » (v. 52).
b.) Le réalisme descriptif
La réalité de l’exode rural s’inscrit dès