Que peut nous apprendre la psychanalyse à propos de la croyance religieuse ? La psychanalyse, on le sait, repose sur le principe de la pulsionnalité fondamentale de l'homme ; l'homme, dont l'inconscient est constitué de motions pulsionnelles refoulées, est un être de désir avant qu'il n'ait à s'efforcer de construire en lui, par un effort d'éducation et de culture, le système de la raison. Mais, quels que soient les progrès de la rationalité dans la civilisation humaine, l'emprise du désir subsiste chez l'être humain toute sa vie, comme en témoignent la rémanence des rêves, ou l'insistance des symptômes que l'analyse elle-même peine à faire disparaître. Or le désir se caractérise par le pouvoir de susciter des illusions, c'est-à-dire des représentations ayant pour fonction de le satisfaire, et de lui éviter ainsi la rencontre périlleuse avec le principe de réalité. Il appartient donc au psychanalyste de retracer la genèse des différentes illusions dont se nourrit l'homme, pour en exhiber l'origine inconsciente. La psychanalyse se veut ainsi dénonciation des illusions de la psyché humaine. Toute illusion renvoie au désir comme à sa source ; c'est ce que Freud a fortement marqué : " Ce qui caractérise l'illusion, c'est d'être dérivée des désirs humains (...) Ainsi nous appelons illusion une croyance quand, dans la motivation de celle-ci la réalisation d'un désir est prévalente, et nous ne tenons pas compte, ce faisant, des rapports de cette croyance à la réalité, tout comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le réel."(1) Et c'est précisément ce caractère d'"illusion" qui rend problématique la croyance religieuse ; car, se différenciant de la simple erreur, l'illusion trahit sa dimension de désir de croire.
De fait, la religion vise à satisfaire un désir inconscient ; elle s'inscrit ainsi dans la logique du remplissement de désir (Wunscherfüllung) qui se trouve à l'oeuvre dans les processus inconscients repérés selon leur principe dynamique. À