La satire face à la justice Mordante. Méchante. Injuste. La satire doit être tout cela. Mais elle ne doit pas « dépasser dans une mesure intolérable les limites propres à sa nature », affirme le Tribunal fédéral. Une phrase à laquelle aurait aussi pu souscrire Kurt Tucholsky – du moins lorsqu’elle vise les pures insultes ou la diffamation ou que la satire s’en prend à « l’église en tant que refuge de la foi » : dont il ne s’est jamais moqué, mais bien de « l’église en tant qu’institution politique au sein de l’Etat », relève Tucholsky dans ses Lettres à une catholique 1929–1931 adressées à la journaliste Marierose Fuchs. Il y avait pour lui une autre limite encore, à savoir « qu’il faut avoir compris, avant de caricaturer, qu’on ne peut traiter par la satire que ce qu’on a compris dans son essence la plus profonde » (Die moderne politische Satire in der Literatur, in : Gesammelte Schriften – Glossen und Essays 1907–1935). Une limite que Robert Gernhardt, fondateur de la revue satirique Titanic, a lui aussi reconnue dans une interview donnée au journal télévisé allemand : pour lui, elle passe « là où je ne m’y connais plus. Il ne me serait donc jamais venu à l’idée de dessiner une caricature de Mahomet ou de faire des plaisanteries sur le Dieu des Juifs ». La satire est donc exigeante. Pas seulement pour les écrivains, mais aussi pour les lecteurs et lectrices, et notamment pour les instances appelées à juger. Les tribunaux sont encore nombreux à se référer à un arrêt principal de la Cour suprême allemande de 1928 : « C’est le propre de la satire que d’exagérer plus ou moins fortement, c.-à-d. de donner à la pensée qu’elle veut exprimer un contenu apparent qui va au-delà de ce qu’elle entend réellement, mais d’une manière telle que le lecteur ou le spectateur au fait de l’essence de la satire est capable de ramener le contenu exprimé à sa teneur connue ou reconnaissable effectivement pensée, autrement dit reconnaît que ce qu’on a voulu dire n’est effectivement pas