La science n'a pas d'âme
La science nous ruine. Avec elle notre conscience est seulement la conscience d’un individu rationnel calculant ses avantages. Pas exaltant. Il faut reconcevoir l’individu. Pas facile. L’homme, depuis qu’il est conscience, cherche à maîtriser non seulement le monde, mais lui-même ! C’est pourquoi la science vaut, et règne. Faire de l’Homme une œuvre, voilà un projet à la fois technique et éthique. La question technique posée est comment bien vivre sa vie, comme on opère bien une appendicite, ou comme on joue bien de la flute ! Un individu est bien sûr un paquet d’organes déterminés. Mais aussi une âme (une capacité à penser sa vie, un esprit, un souffle, appelez cette conscience comme vous voulez). Cette âme a des désirs auxquels aucune connaissance objective ne peut répondre. Chacun rencontre dans sa vie concrète des phénomènes inexpliqués par la science : l’amour, la poésie, la foi, le rêve.... Que faire de ces savoirs subjectifs, affectifs, que la science ne reconnaît pas (parce que seul compte à ses yeux ce qui se mesure, se chiffre, se définit véritablement) ? Peut-on choisir (doit-on choisir) entre d’un côté l’absolue certitude scientifique qui plie toute chose sous des lois nécessaires, et d’un autre coté une conscience singulière pour laquelle tout est subjectif ? Choisir la première solution interdiarait de dire désormais “moi je”, mais nous oblgerait à dire “il” (par exemple ne plus dire j”e” pense, mais “il” pense, il y a des pensées en moi, ce “il” impersonnel de “il pleut”). La vérité scientifique est indépendante de moi. À mesure que je m’intéresse à la science, à l’absolu, je me désintéresse de moi (ou plutôt je m’y intéresse d’une tout autre façon : je m’intéresse à moi comme à une chose). Ne demandons pas à la science d’avoir une conscience. Le scientifique, en tant que scientifique, ne se pose pas de question personnelle, ni éthique, ni politique. La décision même de poursuivre ou de lancer des recherches n’appartient pas