La théorie de la voie de fait a-t-elle perdu de son utilité
La voie de fait est une théorie jurisprudentielle, protectrice des droits des administrés en ce qu'elle entraine pour l'administration la perte de la majeure partie de ses privilèges – notamment celui d'être jugé par la juridiction administrative.
Pour sa reconnaissance, la voie de fait nécessite trois critères jurisprudentiels cumulatifs : une atteinte à la propriété privée ou à une liberté fondamentale (TC 8/4/1935 Action Française) ; un caractère de gravité (CE 8/4/1961 Klein) ; et le fait que la mesure prise soit « manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'administration ». Cette dernière formule issue de l'arrêt Carlier rendu par le CE le 18/11/1949. A l'origine, celle-ci s'appliquait uniquement aux cas où l'administration utilisait un pouvoir qui ne lui appartenait pas. La jurisprudence va connaître, avec l'arrêt Eucat rendu par le Tribunal des conflits le 9/6/1986, une évolution vers la « jurisprudence des passeports » consistant en un assouplissement de l'interprétation de cette condition dans un sens favorable à constituer une voie de fait. Ainsi, le juge ne reconnaissait-il plus seulement la voie de fait dans les seuls cas où l'administration utilisait un pouvoir qui ne lui appartenait mais il va également vérifier si le texte fondateur des pouvoirs litigieux de l'administration permet l'exercice de la prérogative en cause. En conséquence, cette « jurisprudence des passeports » conduisit à une extension du domaine de la voie de fait dont l'inconvénient était de brouiller la distinction entre les cas de voie de fait et ceux de simple illégalité.
Un revirement de jurisprudence intervient avec le TC 12/5/1997 Préfet de police c. TGI Paris consacre un retour à la « jurisprudence Carlier » et sa conception restrictive de la voie de fait. Du fait de ce revirement, la qualification de voie de fait est souvent écartée, l'administration