La laitière et le pot au lait
Source : L'origine de la fable semble être la nouvelle XIV de Bonaventure des Périers (secrétaire de l’auteur de l’Heptaméron, Marguerite de Navarre, sœur de François 1er ) : « Comparaison des alquemistes à la bonne femme qui portait une potée de lait au marché ». La comparaison avec les alchimistes n'a pas été reprise par La Fontaine. Fable double avec « Le curé et le mort » qui suit dans le recueil.
LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT
Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait Bien posé sur un coussinet,
Prétendait (1) arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là pour être plus agile Cotillon (2) simple, et souliers plats. Notre Laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
Achetait un cent d’œufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.(3) Il m’est, disait-elle, facile
D’élever des poulets autour de ma maison : Le Renard sera bien habile,
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable ;
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon ;
Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il (4) est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La Dame de ces biens, quittant d’un œil marri Sa fortune ainsi répandue, Va s’excuser à son mari En grand danger d’être battue. Le récit en farce (5) en fut fait ; On l'appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus (6), la Laitière, enfin tous, Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en