La vieillesse dans les soins
Sous-dochead Le corps dans les soins
Surtitre sociologie
Des vieillesses multiples
David Le Breton
Anthropologue, sociologue, professeur Faculté des sciences sociales, 22, rue René-Descartes, 67300 Schiltigheim, France Adresse e-mail : david.le.breton@unistra.fr (D. Le Breton).
Résumé
Vieillir n’est pas univoque. Certains prennent de l’âge dans une sorte de continuité paisible et heureuse de leur existence, alors que d’autres sont confrontés …afficher plus de contenu…
La seule normalité est d’être jeune. Le reste est une dérogation. Le temps n’est plus aujourd’hui à la mémoire ou à l’expérience. La vieillesse glisse lentement hors du champ symbolique, elle déroge aux valeurs centrales de la modernité : la jeunesse, la séduction, la vitalité, le travail, la performance. Elle est, à son corps défendant, une incarnation du refoulé, comme le sont le “handicap”, la maladie, l’approche de la mort ou la mort elle-même. Elle rappelle la nécessaire précarité et fragilité de la condition humaine [1].
TEG1 Au fil du temps, sans toujours en prendre conscience, le rapport au monde se transforme pour se conformer aux capacités physiques changeantes, à une sociabilité qui …afficher plus de contenu…
On se sent souvent vieillir à partir d’une pathologie ou après une chute, ou un événement douloureux qui donne un “coup de vieux”. Le décès du conjoint est à cet égard un moment clé qui alimente chez certaines personnes la conviction que, désormais, leur existence est achevée, même si d’autres, à l’inverse, reconstruisent vite leur vie quotidienne, leur emploi du temps, leur sociabilité. Pour le survivant, un cap douloureux est à franchir, mais parfois il meurt dans les jours ou les semaines qui suivent, par épuisement du goût de vivre. « Il (ou elle) s’est laissé(e) mourir », dit l’adage populaire.
TEG1 D’une atteinte narcissique à une autre, l’existence finit par peser. Les pathologies multiples rendent les soins difficiles en arrachant au chez-soi, le seul lieu où l’on se