Dans un endroit reculé et solitaire, par une après-midi où l’orage menace, le poète boit sans plaisir un breuvage au goût désagréable. L’orage survient ! Des visions se développent, de plus en plus saugrenues. Devant ce spectacle envoûtant de l’orage, Arthur est comme un chercheur d’or ou un pêcheur de perles qui auraient entrevu le trésor qu’ils recherchent sans pouvoir s’en emparer. Le poème est obscur quand on l’étudie en détail, mais on peut se contenter d’une lecture superficielle, qui – pour être insatisfaisante – n’en permet pas moins de comprendre sans doute l’essentiel et de capter l’émotion du texte. La boisson est toujours chargée d’une valeur symbolique chez Rimbaud (voir son cycle Comédie de la Soif ) : soif d’alcool, l’alcool étant un moyen (artificiel, décevant moyen) d’étancher une soif essentielle; soif spirituelle, soif d’atteindre et de retenir la sensation, le plaisir, la substance du monde … Ici, il faut peut-être comprendre qu’Arthur cherche dans une boisson désagréable et décevante (de couleur jaune comme l’or mais « fade », « qui fait suer », qui ferait une mauvaise publicité pour une auberge) une « liqueur d’or » (c’est à dire une boisson magique, un « vin de vigueur » – Ma Bohème ; « millions d’oiseaux d’or / ô future vigueur » – Le Bateau ivre). Espérance vaine. Dans Alchimie du verbe, Rimbaud reproduit le poème en remplaçant le dernier quatrain par un vers qui confirme la présente interprétation : « Pleurant, je voyais de l’or – et ne pus boire. – » Cette variante éclaire aussi le sens du titre : « Larme ». Comme souvent l’histoire se termine sur un sentiment d’échec, de regret, de frustration. Voir la fin de Michel et Christine (« Fin de l’Idylle »), du Bateau ivre (« Mais vrai, j’ai trop pleuré … »)