Le cameroun nouveau territoire des dieux
Cameroun les nouveaux territoires de Dieu
Maud LASSEUR1 Depuis une quinzaine d’années, le Cameroun connaît un véritable éclatement de son paysage religieux, qui se caractérise non seulement par la multiplication des associations cultuelles mais aussi par la lente décomposition des territoires ethno-régionaux que s’étaient appropriés les grandes organisations chrétiennes et musulmanes historiques. Une telle évolution provient pour l’essentiel de la libéralisation du champ religieux dans le pays. Les lois sur les libertés publiques du début des années 1990, le développement des migrations et de l’urbanisation favorisent l’entrée de mouvements religieux opérant sur la scène globale et provoquent l’essor d’un marché national des biens spirituels au Cameroun, remettant en cause d’anciennes frontières géo-religieuses internes plus ou moins figées par des décennies de gouvernement autoritaire.
1. Agrégée de géographie, doctorante à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne, laboratoire PRODIG (Pôle de recherche pour l’organisation et la diffusion de l’information géographique, UMR 8586), et enseignante au Lycée Fustel de Coulanges à Yaoundé (Cameroun).
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Afrique contemporaine
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LA TRAME ETHNO-CULTUELLE FONDAMENTALE
Jusqu’aux années 1990, on ne parlait guère au Cameroun que de quatre grandes appartenances confessionnelles. Outre les religions ancestrales relevant du fond spirituel africain, la population se partageait entre musulmans, majoritairement adeptes d’un islam sunnite de rite malékite, protestants, relevant d’une dizaine de dénominations issues des missions européennes du XIXe siècle 2 et, enfin, catholiques. Selon la World Christian Encyclopedia, la population camerounaise était ainsi composée, au début des années 1980, d’une bonne moitié de chrétiens, d’environ un quart de musulmans et d’un quart d’adeptes des religions traditionnelles 3. Un tel pluralisme confessionnel à l’échelle nationale masque en réalité une répartition