Charles Baudelaire

LE CHIEN ET LE FLACON

« Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou, approchez et venez respirer un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur de la ville. »
Et le chien, en frétillant de la queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire, s'approche et pose curieusement son nez humide sur le flacon débouché ; puis, reculant soudainement avec effroi, il aboie contre moi, en manière de reproche.
« Ah ! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d'excréments, vous l'auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l'exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies. »

Synthèse

Le je qui s’exprime est mis en scène, ce n’est donc pas – a priori – celui du poète. Le titre s’inscrit dans la tradition de la fable « Le chien et le flacon » (Le Corbeau et le renard !). Le jeu de l’intertextualité incite d’emblée à comprendre que l’animal désigne, comme chez La Fontaine, un être humain. C’est le je d’un narrateur. Le texte est donc de forme narrative : il rapporte une anecdote, bien que trois actions seulement soient présentées.
L’ouverture sur du discours direct, fait que le lecteur s’interroge sur le destinataire réel de message. Les termes employés tout d’abord sont « affectueux » (hypocoristiques), accumulation méliorative. Des catégories morales selon Platon sont évoquées : le Beau, le Bon, (le Bien)… Cela annonce le thème du texte, à savoir l’esthétique (le goût).
La modalité est marquée par un fort enthousiasme du narrateur qui porte sur le chien un regard positif : il cherche une connivence  le chien possède une olfaction développée ! Il est donc à-même d’apprécier le parfum, se plaçant dans le règne animal comme le « correspondant » (cf. la notion de correspondance dans le symbolisme baudelairien) dans le règne animal, du