Le dieu caché
3.1. la méthode Considérée comme l'oeuvre essentielle de L. Goldmann, c'est dans cette vaste étude du tragique racinien et pascalien que se déploie toute sa méthode critique. Quelle en est l'idée centrale ? Goldmann l'expose dès l'introduction : "les faits humains constituent toujours des structures significatives globales, à caractère à la fois pratique, théorique et affectif et que ces structures ne peuvent être [...] expliquées et comprises que dans une perspective pratique fondée sur l'acceptation d'un certain ensemble de valeurs". (1) La vision tragique, que l'on trouve dans l'oeuvre de Racine, est une telle structure significative. Elle apparaît au 17me siècle dans un ensemble de manifestations philosophiques, artistiques et littéraires telles que les "Pensées" de Pascal, le théâtre racinien et le jansénisme. L'essentiel du "Dieu caché" consistera à montrer l'homologie structurale entre l'oeuvre de Pascal et la tragédie racinienne et à montrer qu'elle correspond à la vision du monde propre au jansénisme. Ce courant religieux d'ailleurs n'est pas considéré pour lui-même, c'est en tant qu'expression de la conscience possible d'une couche sociale particulière, la noblesse de robe, que le jansénisme est analysé. On ne discutera pas ici la pertinence, sur le plan de la recherche historique, des hypothèses de Goldmann. Plus simplement on se contentera d'aborder la méthode et comment il conçoit les rapports dialectiques entre l'oeuvre racinienne et son contexte social. Pour Goldmann, la conceptualisation de la pensée précède l'étude empirique des faits. On peut voir dans cette démarche la marque de l'hégélianisme : l'élaboration du concept permet de "découper le réel". Il ne s'agit pas de refuser toute valeur à l'érudition, mais l'accumulation d'une connaissance empirique ne permet pas, en soi, la conceptualisation de la pensée. Or, celle-ci doit dégager des faits empiriques les lois qui permettent d'en comprendre la genèse et de