Le feu follet
En ce sens, Drieu peut dire dans cette même préface : « Je crois que mes romans sont des romans ; les critiques croient que mes romans sont des essais déguisés ou des mémoires gâtés par l’effort de fabulation. Qui a raison ? Les critiques ou l’auteur ? ». Incertain de la nature de ses propres textes, Drieu nous fait ici part de son incapacité à les définir, tâche qu’il relègue au critique. Le critique, celui qui lit et juge l’ouvrage une fois créé, a posteriori, aurait cette capacité à statuer l’œuvre, à rendre compte de sa nature par une parole. Le livre est mémoire, essai, ou roman, selon la manière dont il est reçu après lecture. Mais est-ce à dire que l’œuvre de Drieu, et en particulier Le Feu follet, ne peut se définir par la création, par son auteur lui-même ? Ce texte ne trouve-t-il son sens que grâce au critique, grâce à une définition a posteriori ? A considérer que le critique accorde au texte le statut de mémoire ou d’essai à l’insu de l’auteur, un paradoxe émerge : comment l’ouvrage pourrait-il être introspection là où l’auteur lui-même nie toute compromission avec son propre moi ? Drieu en appelle à la raison pour départager les critiques et l’auteur sur une question qui n’a a priori rien de rationnel (« qui a raison ? ») : il y a quelque chose d’absurde et d’incohérent chez un auteur qui peine à définir sa propre œuvre. Le projet auctorial, s’il en est, peut et doit déterminer la nature de l’œuvre. La contradiction entre projet de l’auteur et qualificatif par le critique est révélatrice