Le livre dans le tourbillon numérique - compte rendu
Le livre dans le tourbillon numérique (tiré du Monde diplomatique de septembre 2009)
(…) Déjà touchés de plein fouet par le développement de la vente en ligne, les libraires sont les intermédiaires voués à disparaître en premier — à moins de considérer que la fonction de « médiateurs numériques » (c’est-à-dire de gestionnaires de bases de données) soit un prolongement de leur activité. Ils ont choisi ce métier pour s’inscrire dans un lieu dédié aux livres, aux conseils, à l’échange et à la rencontre, inscrit dans un territoire, une matérialité, une présence. La contrainte spatiale est garante de la diversité : à la société du livre correspondent des structures de taille moyenne, à la société du numérique correspondent des goulets d’étranglement mondiaux au pouvoir démesuré (Google, Amazon, etc.) qui cohabitent avec un grand nombre de niches affinitaires relativement hermétiques les unes vis-à-vis des autres. Or seule une société à la mesure de l’homme permet l’exercice d’une vraie démocratie.
Dans le cas des bibliothèques, penser que l’enrichissement culturel et intellectuel sera facilité par la possibilité de consulter une infinité de textes via un réseau virtuel revient à considérer que l’égalité n’est pas affaire d’éducation et de structures sociales, mais qu’elle se résume à une égalité d’accès — alimentant d’ailleurs les fantasmes de toute-puissance (« avoir une bibliothèque dans sa poche »). A l’inverse, les mouvements d’émancipation ont lutté contre cette vision libérale de l’égalité formelle des chances, pour défendre l’éducation populaire, bien loin du « seul face au savoir » que les classes dominantes ont souvent promu. En France, loin d’être inaccessibles, de très nombreux livres sont disponibles dans les bibliothèques — fréquentées par une personne sur deux!
La fonction même d’éditeur et son