LE LIVRE DE MA MERE
Dans ce récit, Albert Cohen y livre ses souvenirs d’enfance, mêlés à ses regrets et à son présent. Il dresse un portrait touchant et pathétique d’une femme qui ne vivait que pour son fils. Une déracinée qui était venue d’Orient s’installer à Marseille, où elle ne connaissait personne et que personne ne fréquentait.
Et qui préférait rester dans sa solitude, en se recevant seule l’après-midi dans son appartement plutôt que de fréquenter les autres femmes dont les maris étaient commerçants, comme son mari.
Pour elle, la seule chose qui comptait était son fils. Il était tout, son dieu, son bonheur, l’unique objet de son amour et de ses angoisses. Elle ne tremblait et ne respirait que pour lui. Il était le plus beau, le plus intelligent, le plus parfait, mais surtout elle l’aimait pour ses faiblesses. Elle l’aimait quand il était malade et qu’elle pouvait se dédier corps et âme à lui, en le soignant et accomplir son rôle de mère.
Mais bien plus qu’un rôle, c’était une vocation, un sacerdoce et cet amour absolu ne connaissait aucune limite. Elle pouvait l’attendre trois heures sur un banc sans rien dire, sauter dans le premier train pour Genève à sa demande, être réveillée en pleine nuit et faire comme si elle ne dormait pas, puis se lever pour lui préparer de la pâte d’amandes.
Elle lui passait tout à son fils. Et le jeune Albert, conscient de son ascendant sur sa mère, en usait et en abusait. Mais ce qu’il ne savait pas alors c’est que « toutes les mères sont mortelles ». Et depuis sa mort, il ne peut se consoler. Il réalise l’amour fou qu’elle lui vouait et la naïveté qu’il avait de croire que cela durerait toujours.
La manière qu’il avait parfois de la traiter avec si peu d’égard, le fait alors trembler. Lui qui préférait passer son temps avec de belles jeunes femmes plutôt que de voir sa mère, lui qui s’énervait de ses manies… Et puis sa torpeur d’avoir un jour fait pleurer sa mère car elle