Le mal
SCIENCE ET PHILOSOPHIE : LE CAS DE L’ESPRIT
Tout un courant philosophique contemporain s’intéresse à la psychologie cognitive, qui est à la fois une branche de la psychologie et une conception de la psychologie comme science. Parmi ceux qui se réclament de ce courant, beaucoup ne dissimulent pas leur espoir de trouver, dans cette psychologie et plus largement dans le domaine interdisciplinaire des sciences cognitives, des réponses au moins partielles à bon nombre des questions que se pose, depuis Platon, la philosophie de la connaissance. Ils commettent donc, sciemment, une erreur philosophique capitale, dénoncée une fois pour toutes par Husserl et Frege au début du siècle, le psychologisme. Que la philosophie de la connaissance puisse ou doive s’appuyer sur la psychologie est une thèse, une autre, plus radicale, est que la première n’a d’autre choix que de se fondre dans la seconde. Si la première thèse est fausse, la seconde l’est a fortiori, et conduit de plus à un cercle vicieux : la philosophie des sciences (une branche de la philosophie de la connaissance) serait un chapitre d’une science particulière — la partie détiendrait donc la clé du tout. La psychologie, fondée sur la philosophie des sciences en général, en serait aussi le fondement. Cette « naturalisation » de l’épistémologie, prônée par Quine, n’est qu’une manifestation parmi d’autres d’une tendance plus générale apparue, ou réapparue au cours des trente dernières années, le naturalisme philosophique. Tout naturalisme est voué à nier la distinction entre le fait et la norme, entre ce qui est et ce qui doit être, entre les causes et les raisons, il est donc faux.
Science et philosophie
Enfin, une théorie naturaliste de la connaissance scientifique, ou, plus largement, rationnelle, n’est pas seulement fausse, elle est dépourvue de sens, car une théorie de la connaissance rationnelle a pour