Nous sommes à Troyes, au XIème siècle. Elvina a douze ans, c’est la petite fille du grand maître rabbin Salomon ben Isaac. Sa vie est plutôt douce et agréable, même si elle regrette d’être une fille et de ne pas avoir le droit d’étudier, lire et écrire comme elle le souhaite. Heureusement, son grand-père compréhensif la charge souvent de lettres ou de menus travaux sur les textes sacrés. Mais depuis quelque temps, Elvina a d’autres soucis : les Croisés de Pierre l’Ermite en route pour Jérusalem menacent les Juifs qu’ils rencontrent. La peur s’installe dans son quartier, les relations avec les voisins chrétiens s’estompent… Avant les thèmes du Moyen-Age, du judaïsme, la présence d’Elvina illumine le roman. Pétulante jeune fille, elle offre une figure rebelle d’un féminisme avant l’heure. Ce n’est pas qu’elle se refuse aux travaux féminins, mais elle y est d’abord peu douée (chargée de couver des œufs en poussins, elle les casse avec beaucoup d’humour), et elle leur préfère de toute façon l’étude – religieuse ou pas. Elle acquiesce par-devant et fulmine par-derrière, sans se rendre compte que sa famille n’est pas vraiment dupe et finalement l’encourage dans sa voie. Encore enfant mais déjà pleine d’audace, Elvina compose une héroïne réellement touchante et naturelle. Nous la suivons tantôt à travers un complice narrateur externe, tantôt à travers un « je » très très expressif. Par oral ou par écrit, elle s’adresse souvent à son mazal, sorte d’ange gardien à qui elle sait donner bien du fil à retordre ! L’arrière-plan historique se remarque à peine, solidement intégré dans un quotidien urbain que l’on sent encore très en rapport avec la nature. Sylvie Weil ne prend pas la peine de rentrer dans les détails de la période, préférant que son lecteur découvre un Moyen-Age, même incomplet, en suivant simplement l’héroïne dans ses activités. C’est parfait. Le choix du judaïsme comme moteur de l’intrigue est extrêmement intéressant. Immédiatement, une réflexion