Le moi
La formule est paradoxale et même, semble-t-il, contradictoire puisqu’elle identifie le sujet, le moi, c’est à dire le pôle d’identité de la personne avec son contraire « un autre », indéfini, et étranger.
Il faut évidemment chercher à donner sens à la formule
et comprendre qu’elle s’oppose (et donc suppose) une autre conception du sujet, plus simple, où le je s’apparaît comme responsable de ses actions et où il parle de lui à la première personne en assumant ses décisions.
Quelles sont les manifestations du sujet qui donnent à penser qu’il est essentiellement autre que ce que l’on ( ou il ) pensait de lui ?
Proposition d’Introduction
Quand Rimbaud(1854-1891), dans une lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871s’exclame « je est un autre » il professe une conception originale de la création artistique : le poète ne maîtrise pas ce qui s’exprime en lui , pas plus que le musicien, l’œuvre s’engendre en profondeur… Rimbaud poursuit : « J’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute… Maurice Blanchot parle d’impouvoir ; au-delà du registre esthétique c’est peut-être toute la conception classique du sujet comme pôle d’identité et de maîtrise de soi qui ainsi peut être remise en cause. C’est d’ailleurs le sens de la critique que Nietzsche(1844-1900) opère à la même époque
Mais si « je est un autre », s’il n’y a pas en réalité de pôle d’identité stable, d’où vient l’illusion qui nous pousse à le croire et comment alors penser nos relations aux autres ?
I) LA CONCEPTION CARTESIENNE (ET CLASSIQUE) DU SUJET S’OPPOSE FRONTALEMENTA LA FORMULE DE RIMBAUD…
Rappelons que dans la première des Méditations Métaphysiques quand Descartes se propose de douter de tout une fois dans sa vie, dans l’espoir de trouver de l’indubitable et de refonder ainsi tout l’édifice du savoir, il pousse le doute jusqu’à douter de la fiabilité de ses pensées : C’est l’hypothèse du malin génie ou du Dieu trompeur, mais justement dans la