Le nouveau mode de scrutin régional serait anticonstitutionnel
Libération 10/11/2009
Par GUY CARCASSONNE professeur de droit public à l'université Paris Ouest-Nanterre La Défense
La réforme territoriale que le gouvernement propose nourrira tant de débats qu’il est impossible de les aborder tous en même temps. Arrêtons-nous donc un instant sur celui relatif au seul mode de scrutin : les conseillers territoriaux seraient élus au scrutin majoritaire à un tour pour 80% d’entre eux et par une représentation proportionnelle tronquée pour les 20% restants. Passons sur l’étrangeté de ce dispositif et sur son injustice. Passons même sur les nombreux reproches d’inconstitutionnalité qu’il pourrait encourir pour n’en retenir qu’un seul, radical : tout scrutin uninominal à un tour est contraire à la Constitution.
L’affirmation peut surprendre quand on sait que les modes de scrutin relèvent de la loi ordinaire et que la Constitution paraît la laisser libre d’adopter le système de son choix. Pourtant, il semble bien qu’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFLR) s’oppose ici aux vœux de l’exécutif. Qu’est-ce qu’un PFLR ? C’est un ensemble de principes visés, sans que nulle liste n’en soit dressée, par le préambule de 1946, repris en 1958. Ces principes ont valeur constitutionnelle et l’on sait que figurent parmi eux, entre autres exemples, la liberté d’association ou l’existence de deux ordres de juridictions, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel.
A quoi reconnaît-on un PFLR ? Parce qu’il ne voulait être ni accusé ni tenté de découvrir de tels principes à sa guise, le juge constitutionnel en a défini précisément les critères, qui doivent être tous présents. Pour qu’une règle accède à ce statut enviable il faut, premièrement, qu’elle résulte d’une loi, et non simplement d’une tradition ou d’un décret ; deuxièmement, que cette loi soit une loi de la République, et non héritée, sans confirmation explicite, de la Monarchie ou de l’Empire ;