Le phénomène religieux réunionnais
NICAISE Stéphane
Université de La Réunion
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Département d’Ethnologie
Résumé :
La pratique religieuse à La Réunion recouvre une diversité d’expressions qui sont décalées par rapport aux normes des religions instituées. Par l’observation de terrain émerge en effet un phénomène religieux original qui perdure à travers la modernisation de l’île. Pour le qualifier, l’histoire du peuplement fournit des éléments d’évaluation de la part des différents apports extérieurs qui participent à sa constitution. Mais le phénomène observé ne se ramène à aucune forme définie car il est dynamique, animé par la manière propre à chaque Réunionnais de se rapporter à ses ascendances plurielles. Le phénomène religieux réunionnais conjugue ainsi, sur le mode des processus de créolisation, relations aux défunts et recompositions des religions.
Mots clés :
Océan Indien, créolisation, religion.
Le phénomène religieux réunionnais
Dans les années 1950, la départementalisation de La Réunion décrétée en 1946 n’a pas engagé une transformation substantielle de la société. Madagascar reste, jusqu’à son indépendance en 1960, la grande colonie française du sud-ouest de l’océan Indien. Modeste satellite à sa périphérie, La Réunion vit encore au rythme du système de plantation destiné à produire des cultures écoulées à l’extérieur de l’île. Pour soutenir cette production, la traite des esclaves a fourni dès le début du XVIIIe siècle les bras nécessaires. Puis, au lendemain de l’abolition de 1848, le recrutement s’est tourné vers des travailleurs étrangers, les Engagés[i], en provenance de l’Inde, mais aussi des anciens ports de la traite - Madagascar et l’Afrique de l’Est -, dans une moindre mesure de Chine, et pour un très petit nombre, de France.
Les politiques successives du peuplement de l’île, inauguré en 1663, ont fait peu de cas de l’identité religieuse des différents groupes