Le plus bel amour de don juan
I
Le meilleur régal du diable, c'est une innocence.
(A.)
Il vit donc toujours, ce vieux mauvais sujet?
- Par Dieu! s'il vit! - et par l'ordre de Dieu, Madame, fis-je en me reprenant, car je me souvins qu'elle était dévote, - et de la paroisse de Sainte-Clotilde encore, la paroisse des ducs! - Le roi est mort! Vive le roi! Disait-on sous l'ancienne monarchie avant qu'elle fût cassée, cette vieille porcelaine de Sèvres. Don Juan, lui, malgré toutes les démocraties, est un monarque qu'on ne cassera pas.
- Au fait, le diable est immortel! dit-elle comme une raison qu'elle se serait donnée.
- Il a même...
- Qui?... le diable? ...
- Non, Don Juan... soupé, il y a trois jours, en goguette. Devinez où?...
- A votre affreuse Maison-d'Or, sans doute...
- Fi donc, Madame! Don Juan n'y va plus... il n'y a rien là à fricasser pour sa grandesse. Le seigneur Don Juan a toujours été un peu comme ce fameux moine d'Arnaud de Brescia qui, racontent les Chroniques, ne vivait que du sang des âmes. C'est avec cela qu'il aime à roser son vin de Champagne, et cela ne se trouve plus depuis longtemps dans le cabaret des cocottes!
- Vous verrez, - reprit-elle avec ironie, - qu'il aura soupé au couvent des Bénédictines, avec ces dames...
- De l'Adoration perpétuelle, oui, Madame! Car l'adoration qu'il a inspirée une fois, ce diable d'homme! me fait l'effet de durer toujours.
- Pour un catholique, je vous trouve profanant, - dit-elle lentement, mais un peu crispée, - et je vous prie de m'épargner le détail des soupers de vos coquines, si c'est une manière inventée par vous de m'en donner des nouvelles que de me parler, ce soir de Don Juan.
- Je n'invente rien, Madame. Les coquines du souper en question, si ce sont des coquines, ne sont pas les miennes... malheureusement...
- Assez, Monsieur!
- Permettez-moi d'être modeste. C'étaient...
- Les mille è trè?... - fit-elle, curieuse, se ravisant, presque revenue à l'amabilité.
- Oh! pas toutes,