" Le portrait de ménippe ", les caractères - la bruyère
INTRODUCTION
Jean de La Bruyère, l'auteur des Caractères ou les Mœurs de ce Siècle, se plaisait à proposer à son public des portraits en apparence déshumanisés car trop englués dans les automatismes de la passion, de l'instinct trivial ou de l'intérêt personnel. Il apostrophait son lecteur, avec malice : « Je rends au public ce qu'il m'a prêté. J'ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage ».Son art rappelle la mode à l époque classique des Salons de Curiosité, de la Galerie des Curieux. Le moraliste fait penser le lecteur sans concepts, il l'introduit dans une philosophie de l'homme qui feint de ne pas l'être, ce qui définit à proprement parler le genre littéraire de l'argumentation indirecte.
Dans cet extrait des Caractères, l'auteur met en scène un personnage éponyme* qui pourrait évoquer au moins six personnages du IIIème siècle avant notre ère, dont le philosophe cynique Ménippe, ou bien encore – et plus sûrement - un sophiste de Stratonice, originaire de Carie (une région au sud de la Turquie actuelle), un célèbre rhéteur dont parle Cicéron dans ses ouvrages...La Bruyère nous propose ici une caricature affriolante en grossissant les défauts de cette personne sans étoffe, sans épaisseur, asservie à ses dispositions de caractère, à ses penchants.
Cette description en mouvement rend compte de l'art du portrait en tant qu' « agréable amusement » : le but affiché du portraitiste est de plaire, de divertir les lecteurs. Et en même temps en tant qu' « affaire laborieuse » pour reprendre les mots de l'auteur, car il faut instruire, éduquer son auditoire, son public. Extraire le vrai de portraits non vraisemblables, voilà le but de toute satire sociale digne de ce nom.
I ] Le portrait d'un personnage hypocrite
A. La multiplication des points de vue, un récit multi-focalisé
Le personnage se révèle progressivement, à partir d'une entrée en matière qui le définit rapidement. Ménippe est