Le principe de précaution
Le Principe de précaution
Entre perte de confiance et désir de progrès : quelle place pour le risque ?
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Préambule
Alors que l’homme ne jurait que par la course d’un progrès aussi continu qu’acharné, la fin du XXème siècle a été marquée par une succession de crises environnementales et sanitaires d’une portée dramatique : affaires du sang contaminé, marées noires de l’Erika et de l’Amoco Cadiz, explosion du réacteur de Tchernobyl, scandale de l’amiante, crise de la vache folle… le principe de précaution est né, bien tardivement, de cette accumulation de déconvenues du progrès. Les citoyens, et plus largement, la société civile, ont cristallisé une défiance envers les experts de tous bords et se sont souvenus des propos déjà tenus par l’humaniste Rabelais au XVème siècle : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Dans des périodes de grande incertitude, le principe de précaution est aussi la réponse contemporaine aux peurs des citoyens face à l’inconnu. Dans ce sens, il peut rejoindre les angoisses millénaristes et devenir un frein majeur à l’innovation. Le risque est inhérent à la vie. Chaque jour, pourtant, l’actualité montre l’expression d’un refus du risque malgré l’exposition volontaire de bien des citoyens à des situations ou des comportements porteurs de danger. Dans les pays politiquement stables, les générations actuelles d’actifs n’ont connu que paix et croissance économique au cours des cinquante années passées. L’allongement de la durée de la vie et l’élévation continue de son niveau avaient laissé croire que le progrès se substituait à toutes autres vicissitudes. Parallèlement, on a pu observer une perte des croyances religieuses et, ce faisant, un refus grandissant de l’acceptation du vieillissement et de la mort. Jean-Paul Sartre écrivait « l’enfer, c’est les autres » ; pour beaucoup de citoyens, il semble que le risque ne puisse aujourd’hui venir que de l’extérieur. Il apparaît que nous sommes dans une