Le realisme
« Réalisme » est d'origine récente. Il apparaît d'abord, semble-t-il, en Allemagne (Realismus), chez Kant et les idéalistes allemands. Schiller, disciple de Kant en matière esthétique, l'emploie dans une lettre à Goethe du 27 avril 1798 : « Il ne fait aucun doute que [les Français] sont de meilleurs réalistes qu'idéalistes, et j'en trouve une preuve victorieuse dans le fait que le réalisme ne peut pas faire de poètes. » D'Allemagne, il passe en Angleterre, où Coleridge, dont on sait la dette envers la philosophie et la poésie allemande, l'utilise dans ses Biographia literaria (1817). En France, le mot apparaît pour la première fois dans un article anonyme du Mercure du XIXe s., en 1826, à propos de critique littéraire. En 1837, d'après Gustave Planche, « le réalisme est aujourd'hui si populaire qu'on ne saurait trop le combattre », phrase qui vise le roman-feuilleton et surtout Balzac. Mais, à l'exception de Planche, ce sont surtout les critiques d'art qui se servent alors du terme de réalisme pour attaquer les tendances nouvelles de la peinture. Dans son Dictionnaire de la langue française, Littré mentionne le terme de réalisme, appliqué à la littérature et aux beaux-arts, comme « néologisme : en termes d'art et de littérature, attachement à la reproduction de la nature sans idéal ». Enfin, le mot entre en 1878 dans le Dictionnaire de l'Académie française : « Terme de philosophie scolastique : La doctrine réaliste. Il se dit aussi, en termes d'art et de littérature, d'une reproduction minutieuse et servile des choses : On trouve dans ses œuvres un réalisme choquant. »
Pour les historiens de la philosophie, à partir du xixe s., le réalisme est d'abord la doctrine des réalistes (reales), opposée à celle des nominalistes (nominales) dans la querelle des universaux (les scolastiques n'emploient jamais les termes de réalisme et de nominalisme). Pour les reales, les universaux existent indépendamment des choses dans lesquelles ils se manifestent,