Le rire
(7 février 1986)
Cela s'appelle un clip, parce que c'est bref. Je dirais plutôt un film, parce que ça dit une histoire, ça porte une idée.
Dans la cour d'un lycée, un grand adolescent commun tourne autour d'une gamine. On le devine encore boutonneux. Elle, toujours chrysalide, avec, dans les yeux, cet émoi brûlant qu'elles ont à l'âge des seins qui poussent. Un petit garçon joli les regarde, intrigué, peut-être inquiet.
Le grand, doucement, enveloppe la petite de son bras rassurant. Il a pousse ainsi jusqu'aux toilettes. Là, il extrait de sa poche un petit sachet blanc et le pose sur le rebord du lavabo. David - j'aime à penser que le petit s'appelle David, tout philosémitisme mis à part - s'interpose alors entre la nymphe et l'acnéen, s'empare du sachet blanc et le jette dans la lunette du cabinet. Il tire la chasse d'eau. Apparaît alors, bouffant tout l'écran en lettres d'or, ce cri du coeur :
« La drogue, c'est de la merde. »
Ce petit film, qu'on verra dans les salles de cinéma dans quelques jours et à la télévision si les programmateurs s'éveillent à l'intelligence, on peut rêver, a été écrit et réalisé par Jean-Marie Périer. En collaboration étroite et avec le chaleureux soutien de Jacques Séguéla, dont le quotient intellectuel dépasse largement le chiffre de la température anale dès qu'il cesse de nous comparer le message publicitaire à l'expression onirique de quelque néoromantisme éthéré.
Un film de Périer et Séguéla dure une minute.
C'est un chef-d'oeuvre. Ça existe, un chef-d'oeuvre de soixante secondes : personnellement, je n'échangerais pas Viens poupoule contre deux barils de la Traviata, ni ce film-plume-ci contre deux quintaux de Lelouch... C'est beau et terriblement efficace. Je l'ai montré à une petite fille qui m'est familière et qui a presque l'âge de celle du film, et j'ai lu dans ses yeux, furtif et flamboyant, le dégoût salutaire des immondices exotiques.
Et pourtant, Dieu m'émascule, si