Le roi se meurt
Sire, je dois vous mettre au courant.
MARIE
Non, taisez-vous.
MARGUERITE, à Marie. Taisez-vous.
MARIE, au roi.
Ce n'est pas vrai ce qu'elle dit.
LE ROI
Au courant de quoi ? Qu'est-ce qui n'est pas vrai ? Marie pourquoi cet air désolé ? Que vous arrive-t-il ?
MARGUERITE, au Roi.
Sire, on doit vous annoncer que vous allez mourir.
LE MEDECIN
Hélas, oui, Majesté.
LE ROI
Mais je le sais, bien sûr. Nous le savons tous. Vous me le rappellerez quand il sera temps. Quelle manie avez-vous, Marguerite, de m'entretenir de choses désagréables dès le levez du soleil.
MARGUERITE
Il est déjà midi.
LE ROI
Il n'est pas midi. Ah, si, il est midi. Ca ne fait rien. Pour moi, c'est le matin. Je n'ai encore rien mangé. Que l'on m'apporte mon breakfast. A vrai dire, je n'ai pas trop faim. Docteur, il faudra que vous me donniez des pilules pour réveiller mon appétit et dégourdir mon foie. Je dois avoir la langue saburrale, n'est-ce pas ?
Il montre sa langue au Docteur.
LE MEDECIN
En effet, Majesté.
LE ROI
Mon foie s'encrasse. Je n'ai rien bu hier soir, pourtant j'ai un mauvais goût dans la bouche.
LE MEDECIN
Majesté, la reine Marguerite dit la vérité, vous allez mourir.
LE ROI
Encore ? Vous m'ennuyez ! Je mourrai, oui, je mourrai. Dans quarante ans, dans cinquante ans, dans trois cents ans. Plus tard. Quand je voudrai, quand j'aurai le temps, quand je le déciderai. En attendant, occupons-nous des affaires du royaume. (Il monte sur les marches du trône). Aïe ! Mes jambes, mes reins. J'ai attrapé froid dans ce palais mal chauffé, avec ces carreaux cassés qui laissent passer la tempête et les courants d'air. A-t-on remplacé sur le toit les tuiles que le vent avait arrachées ? On ne travaille plus. Il faudra que je m'en occupe moi-même. J'ai eu d'autres choses à faire. On ne peut compter sur personne. (A Marie qui essaye de le soutenir.) Non j'arriverai. (Il s'aide de son sceptre comme d'un bâton.)