Le sport
1. LE GRAND COMBAT (Qui je fus, 1927)
Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupéte jusqu'à son drâle ;
Il le pratéle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde,
On cherche aussi, nous autres le Grand Secret.
Commentaire :
Ce texte présente un grand nombre de néologismes (nouveaux mots).
Tout le texte est un jeu du poète avec le langage. Ses néologismes sont travaillés, et le lecteur peut trouver des points communs avec des mots qu'il connait, décelant ainsi un sens au texte. Par exemple, « rague » pourrait ressembler à « racle », et « roupète » serait une association de « rouer de coup » et de « péter » comme s'il s'agissait d'une explosion. Le « drâle » rappelle le « râle » et fait penser au mourant.
Le texte devient ainsi traduisible et les mots reconnaissables. Michaux invente une nouvelle langue par une métamorphose des mots laissant dans le doute le lecteur. Celui-ci peut néanmoins deviner qu'il s'agit d'un combat entre plusieurs personnes. Cette impression est bien en accord avec le titre du poème qui préparait déjà le lecteur au récit d'un combat.
Les sonorités agressives expriment une atmosphère de violence. Les gestes rapportés des personnages traduisent des actes de barbarie, l'affrontement, la mutilation et la destruction des corps. Par exemple, au vers 7, « se défaisse, se torse et se ruine » fait penser à « se défait, se tord et tombe en