Le vrai misanthrope est un monstre - dissertation sur la misanthropie au théâtre
Ce qui frappe au premier abord dans cette sentence de Rousseau, quand il s’agit d’étudier la misanthropie, c’est que de misanthropie il n’est pas question. Ou plutôt, le vrai misanthrope serait l’incarnation de la misanthropie, quand Cnémon et Alceste sont seulement des individualisations de misanthrope. C’est le misanthrope en lui-même, donc, celui de Molière pour Rousseau, accompagné du bourru de Ménandre pour nous, dont il s’agit ici. Le personnage mis sous les feux des projecteurs, voilà un projet prometteur. L’analyse comparative des personnages d’Alceste et de Philinte que fait Rousseau par la suite à la postérité que l’on connaît, c’est un modèle du genre dans ce type d’exercice. Mais pour nous il n’est pas question du seul misanthrope de Molière, mais de nous demander dans quelle mesure le propos de Rousseau s’applique aux misanthropes Cnémon & Alceste et plus largement aux pièces dont ils sont le caractère éponyme, Le Dyscolos de Ménandre et Le Misanthrope de Molière. Je cite la sentence en question : « Le vrai misanthrope est un monstre. S’il pouvait exister, il ne ferait pas rire, il ferait horreur. » Par ces propos, J-J-Rousseau entend un être qui serait un absolu de misanthropie, c’est en ce sens là en tout cas que nous le comprendrons. Le « vrai misanthrope » n’existe pas, c’est Rousseau qui l’affirme. Il tient pour misanthrope véritable le paroxysme de ce caractère de l’excès, une misanthropie sans aucune retenue. Ce misanthrope là est l’ennemi du genre humain, un caractère codifié dans la tradition antique par l’exemple, historique, de Timon l’Athénien, qui sera comme archétype de misanthrope d’une fécondité remarquable. Le misanthrope