Lecture Analytique FR
Après l’interdiction de représentation de sa pièce Tartuffe, en 1664, Molière se retrouve dans l’obligation de monter rapidement une autre pièce pour faire vivre ses comédiens.
Il écrit alors Dom Juan ou Le Festin de pierre, selon un sujet de l’espagnol Tirso de Molina, avec l’intention de dénoncer le libertinage et l’hypocrisie sous toutes ses formes – comme il le faisait dans Tartuffe pour critiquer l’hypocrisie des dévots.
Molière dote toutefois Dom Juan d’un fort charisme et d’un pouvoir de séduction indéniable.
La tirade de Dom Juan de cette scène 2 de l’acte V est ambiguë, à la fois éloge et dénonciation de l’hypocrisie.
Nous verrons pour commencer que cette tirade est un exemple de la maîtrise de l’art du discours par Dom Juan (I), qui lui sert à défendre un trait considéré comme un vice : l’hypocrisie (II).
I – Dom Juan, maître du langage
A – Maîtrise de l’art rhétorique
Dans cette longue tirade de la scène 2 de l’acte V, Dom Juan s’adresse à
Sganarelle, mais n’attend en réalité pas de réponse de sa part, comme le montre sa question rhétorique : « Combien crois-tu que j’en connaisse […] les plus méchants hommes du monde ? », qui a pour but de persuader son interlocuteur (et le public).
Il manie l’art du discours en rendant son argumentation convaincante par le présent de vérité générale et la généralisation de ses propos.
Il utilise ainsi des tournures impersonnelles (notamment le pronom indéfini
« on », mais aussi des sujets vagues comme « tous », « ils », «l’homme de bien », « qui », « ceux »…).
Il s’exprime également par des proverbe, qui renforcent la généralisation :
♦ « Qui en choque un, se les jette tous sur les bras »;
♦ « C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode des vices de son siècle ».
De même, pour appuyer son argumentation, il emploie de nombreuses métaphores qui créent des images fortes dans l’esprit du lecteur :
♦ « ferme la bouche »;
♦ « à force de grimaces