Lecture analytique: supplément au voyage de bougainville. diderot.
Supplément au voyage de Bougainville.
Grand, navigateur, Bougainville a raconté son voyage à Tahiti. Les mœurs libres des tahitiens sont pour Diderot l’occasion de réfléchir sur la colonisation. Le philosophe rédige un supplément fictif au voyage de Bougainville et donne la parole à un vieillard qui se fait l’écho de son idéal de liberté.
Alors que Bougainville et ses navigateurs sont pleurés par les tahitiens, malheureux de les voir partir, un vieillard exprime sa satisfaction de les voir quitter le pays.
texte: Puis s’adressant à Bougainville il ajouta : « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature : et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à nous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes, tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras, tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr, vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres, et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n’es ni un Dieu ni un démon : qui es tu donc pour faire des esclaves ? Orou ! Toi qui entend la langue de ces hommes là, dis nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! Et pourquoi ? Parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu’est-ce que cela fait ? Lorsque l’on t’a enlevé l’une de ces méprisables bagatelles dont