"Les aveugles" charles baudelaire - commentaires
Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;
Terribles, singuliers comme les somnambules;
Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.
Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,
Comme s'ils regardaient au loin, restent levés
Au ciel; on ne les voit jamais vers les pavés
Pencher rêveusement leur tête appesantie.
Ils traversent ainsi le noir illimité,
Ce frère du silence éternel. O cité,
Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,
Eprise du plaisir jusqu'à l'atrocité,
Vois! je me traîne aussi ! mais, plus qu'eux hébété,
Je dis : Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ?
Les Fleurs du mal (XCII)
Extrait / Introduction :
Le sonnet Les Aveugles a paru pour la première fois le 15 octobre 1860 dans la revue l’Artiste, avant de devenir en 1961 le poème XCII de la seconde édition des Fleurs du mal, dans la nouvelle partie des Tableaux parisiens. Il s'agit du septième poème de la section. Il poursuit, après Les sept Vieillards et Les Petites Vieilles, la description des marginaux de la grande ville. On suppose que Baudelaire s'est inspiré du tableau de Bruegel : La parabole des Aveugles (voir en couverture). Cependant il n'est même pas sûr que Baudelaire ait vu ce tableau un jour. Ce poème Les Aveugles provoque un certain malaise, une difficulté à se positionner pour le lecteur. Il ne sait pas si il faut rire d’eux méchamment comme semble nous y inviter le premier vers, ou plutôt s’intéresser au poète « hébété » qui se compare eux. Le lecteur se demande, qu’est-ce, au juste, qu’on semble nous inviter à contempler ? Nous commencerons par étudier en première partie la description assez monstrueuse que fait Baudelaire de ses aveugles, ce qui nous permettra d’étudier en deuxième partie une allégorie, qui, en dernière partie nous rappellera à nous-mêmes.
Plan :
Introduction
I) La description cruelle des Aveugles.