Les chaises
Ionesco est tout d'abord l'inventeur du mécanisme de prolifération, figurant très fortement la sensation d'étouffement, de perte du contrôle, voire de cauchemar (d'ailleurs, le théâtre de Ionesco est comme du théâtre en rêve). Voir ainsi à la fin de la pièce lorsque la vieille apporte un nombre incroyable de chaises, pour essayer de faire s'asseoir tous les invités invisibles. Ce mécanisme fait penser à son autre pièce, Victimes du devoir, où Madeleine remplit la scène de tasses à café, ou à Amédée ou Comment s'en débarrasser lorsque le mort grandit avec la plus grande démesure. Ce mécanisme est bien une invention de Ionesco, et traduit toute son angoisse face à un phénomène incontrôlable et cauchemardesque, qui grandit avec la peur que sa poussée engendre. Ce cercle vicieux se retrouve également dans Jeux de massacre, lorsque les gens se tuent entre eux, même bien portants, par crainte que l'autre ne puisse contaminer.
Pour revenir à la pièce, les invités que reçoit le couple de vieillards ont la particularité d'être ce qu'ils ne sont pas. En effet, ce sont des fantômes, des paroles sans auteur, des présences sans personne, des êtres dans le néant. Ce mot est à retenir, car il est le véritable thème de la pièce, son topos. Il se retrouve également dans les discours opposés de sens, donc mêlés, vides de toute logique, lorsque la vieille et le vieux décrivent leur fils totalement différemment1. En outre, le néant est présent à travers l'échec du vieux qui, bien que très vieux, n'a jamais eu d'amis, n'a rien connu2, et dont le produit de toute son existence (95 ans) est le fameux « Message » que les invités sont censés entendre à la fin de la pièce. Hélas, comble de l'ironie, l'orateur qui doit le leur dire, est muet. Ainsi tous ces mots, tous ces actes sourds, finissent par un silence. Et, le