Les convictions
Cependant, dire que les convictions sont des « ennemies de la vérité », cela ne signifie pas seulement qu'elles lui nuisent (un ami maladroit peut parfois nuire davantage qu'un ennemi) ; cela veut dire aussi qu'elles le font exprès parce qu'elle lui sont hostiles. Notre tendance générale à nous accrocher à nos certitudes, notre refus du questionnement et de la remise en cause traduiraient-ils alors une haine plus ou moins consciente de la vérité ? On pourrait le penser. On constate parfois que l'attachement à ses convictions peut conduire au déni de vérité. Le convaincu présente d'abord ses arguments, mais s'ils ne suffisent pas, il finit par se soustraire à toute discussion, refuse de considérer les arguments inverses, nie l'évidence qu'on lui met sous les yeux. N'est-ce pas le signe que la conviction ne fait pas seulement obstacle à la vérité, mais qu'elle est bel et bien, de façon insidieuse, son ennemi ?
On aurait peut-être tort cependant de trop vite généraliser. Tous les hommes ont des convictions (sauf peut-être les sceptiques), tous ne sont sans doute pas pour autant hostiles à la vérité. Au contraire, d'après Aristote, « tous les hommes désirent naturellement savoir » : autrement dit, il y a en l'homme un désir ou un besoin de vérité que l'opinion ou l'illusion ne