Les etats limites Estellon Vincent
Les états limites
VINCENT ESTELLON
Introduction
Bien adaptés socialement, professionnellement, voire familialement, ils peuvent laisser imaginer bénéficier d’un ancrage à la réalité relativement solide. Mais, très vite, ils donnent à découvrir au clinicien de grandes fragilités : une estime de soi alternant entre sentiment de toute-puissance et vide sidéral, un monde psychique attaqué par de folles angoisses existentielles, la hantise de la folie, un rapport aux autres marqué par une grande souffrance. Dans ce fonctionnement, peu capable d’attente et de patience, la fuite dans des conduites peu élaborées par la pensée est souvent privilégiée. Plus tourné vers l’agir que vers l’intériorisation, aliéné à la scène extérieure, le Moi de ces sujets est facilement exposé à des débordements, à des effondrements et à des états de détresse.
Ce type de patients, constatent les thérapeutes, nous en recevons toujours plus.
Nous parlons d’« états limites », de « cas limites », d’organisations « borderline »… Ces appellations diverses, qu’elles soient utilisées en psychiatrie, dans la pratique psychologique ou psychanalytique, désignent un certain type de patients difficiles à soigner, présentant des défenses particulières ne relevant pas exclusivement de la névrose, de la psychose franche ni de la perversion.
Dans une telle configuration, les cures ou thérapies deviennent souvent complexes, éprouvantes, difficiles tant pour le patient que pour le thérapeute. André Green [1], dans un entretien avec
Gregorio Kohon, donne cette image parlante : « Aujourd’hui, lorsque je considère les patients limites, je les vois moins qui se tiennent à la limite de la névrose et de la psychose (bien que ce soit en effet la situation de beaucoup d’entre eux), mais plutôt comme des gens qui vivent dans une sorte de no man’s land, tournant sans cesse autour d’un rond-point quelconque, d’où ils peuvent prendre plusieurs directions sans jamais s’engager dans aucune (dépression,