Les faux-monnayeurs de gide. une polyphonie
Les numéros de pages renvoient à l'édition folio des Faux-monnayeurs d'André Gide.
Dialogues
Les dialogues assument plusieurs fonctions ; ils ne sont pas là seulement pour apporter des informations. * parfois ils révèlent, décryptent, détrompent : un des meilleurs exemples est celui de la longue conversation du livre II (chap. 4) entre Bernard et Laura, en particulier p. 198. * ils révèlent parfois la fausseté du personnage : les paroles deviennent alors une fausse monnaie parmi d’autres, et elles sont dénoncées comme telles par l’ironie du narrateur ou les remarques d’Édouard, narrateur intradiégétique (voir III. 9 et p. 313, quand Passavant reçoit Édouard). * souvent ils font entendre – et c’est quelquefois leur principal intérêt, pour le narrateur et le lecteur curieux – la pluralité des voix qui s’entrecroisent. Le plus brillant exemple et celui de la page 16 (I. 1), où les lycéens au jardin du Luxembourg donnent chacun leur avis, sans que leurs paroles puissent toujours être attribuées à l’un ou l’autre de manière nominative. * il faut faire une place au narrateur, qui intervient volontiers dans les dialogues pour en orienter l’interprétation, au moyen du psycho-récit, et grammaticalement au moyen d’adjectifs et d’adverbes (voir I. 14, p. 132-133, la première conversation entre Édouard et Bernard). * mais le narrateur intervient tout simplement par le choix des paroles qu’il rapporte ; rarement, il le signale à l’attention du lecteur : « Comme leur conversation continua d’être très spirituelle, il est inutile que je la rapporte ici », dit-il avec humour (I. 16 p. 146-147 ; il s’agit d’une conversation entre Passavant, Lady Griffith et Vincent, où Passavant brille par son esprit, mais un esprit superficiel qui fait du dialogue un pur jeu verbal). Notons que c’est justement l’esprit de Passavant qui plaît à Olivier, qui cite dans sa lettre à Bernard deux de ses bons mots (II. 6, p. 209). Cette