Les fourbins
Avec les Fourberies, Molière a voulu — écrit R. Jasinski — «rallier les amateurs de gaieté quand prédominaient les spectacles tragiques». Cette intention, si différente de celle qui lui fait donner la même année la tragédie-ballet de Psyché, est attestée sous forme de reproche dans des vers célèbres de Boileau, au IIIe chant de son Art poétique: Molière eût pu prétendre au titre de prince des poètes comiques s’il n’eût «quitté, pour le bouffon, l’agréable et le fin, / Et sans honte à Térence allié Tabarin. / Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, / Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope». Térence, Tabarin: la formule est juste, quoique incomplète. Les Fourberies de Scapin reprennent en effet l’intrigue du Phormion de Térence et empruntent aux farces tabariniques la scène du sac bâtonné (III, 2). Mais il faut aussi rendre au Pédant joué de Cyrano de Bergerac (1654) la paternité de la fameuse réplique — «Que diable allait-il faire dans cette galère?» — prononcée par Géronte à l’acte II, scène 7, et surtout souligner, à côté des traditions latine et française, l’influence du théâtre italien. Non seulement la scène se situe à Naples, mais les deux vieillards portent des masques comme dans la commedia dell’arte; quant au personnage principal, il vient tout droit d’outre-monts: Molière l’a trouvé dans l’Inavvertito ovvero Scappino disturbato e Mezzetino travagliato de Beltrame (1629) qu’il avait imité dans l’Étourdi au début de sa carrière.
Nous sommes ici à la scène deuxième de l’acte III, autrement dit à la fin de la pièce. Scapin, le valet, entend se venger de Géronte qui prétend avoir appris de Scapin lui-même que Léandre, fils de Géronte, aimait une esclave, Zerbinette. Il s’agira d’étudier le comique de cette scène.
Nous verrons dans une