Les grands croient être seuls parfait
Quelle définition pour ces formes brèves ?
Pris indépendamment des autres, le paragraphe se suffit à lui-même et fait sens ; mais dans cet extrait, le paragraphe est étroitement connecté à l’environnement par divers artifices (thématiques, stylistiques). C’est tout le paradoxe des Caractères.
On peut définir les paragraphes de notre extrait ainsi :
Le § 19 est à mi-chemin entre la maxime et le caractère : le discours est généralisant comme la maxime et juxtapose finalement plusieurs paroles à portée générale (« Les grands croient être seuls parfaits… », « C’est cependant en eux une erreur grossière de se nourrir de si fausses préventions : ce qu’il y a jamais eu de mieux pensé… ») ; mais à la manière du caractère, on se détache peu à peu de la notion abstraite en cernant davantage la cible par le rappel de la 3e personne (« les grands », « eux », « leur », « ils ») et l’ajout d’informations (« la droiture d’esprit, l’habileté, la délicatesse, et s’emparent de ces riches talents, comme de choses dues à leur naissance »).
Le § 20 relève clairement du caractère, forme plus longue et dans une certaine mesure descriptive ; généralement, le sujet est doté d’un nom (Téléphon) qui donne vie à la notion critiquée.
Le § 21 relève de la sentence, définie comme « une parole universelle qui, même hors du sujet auquel elle est liée, peut être citée » (citation traduite de Quintilien citée par Alain Compagnon dans La Seconde main ou le travail de la citation, Seuil, 1979).
Jonction et disjonction entre les paragraphes
Du 1er au 3e paragraphe, la notion traitée est la même : le grand croit que sa naissance lui donne toutes les qualités et donc le droit de mépriser les plus petits.
Le lexique est repris d’un paragraphe à l’autre : « prévention » apparaît aux § 19 et 20 ; «grands domaines » (19) renvoie à « grandeur » (21), « connaître » revient aux § 20 et 21 ; on retrouve ici volontiers un procédé propre au