Les liaisons dangereuses
L'étymologie de ce terme (il vient du latin libertinus qui signifie affranchi) est de nature à éclairer le sens qu'il convient de lui donner dans Les liaisons dangereuses. "Grand seigneur méchant homme" aux dires du valet de Don Juan, son activité n'a en effet de sens que dans une société fortement sanglée dans des codes moraux : ceux de la représentation et de la bonne compagnie; ceux de la réputation et de l'honneur. Le vrai triomphe du libertin est de s'assurer l'estime de cette société tout en étant un parfait scélérat, délectation suprême d'un être rebelle à toute obédience - et d'abord celle des passions - , animé aussi d'un orgueil intransigeant qui, derrière le cynisme ou le machiavélisme, fait de lui un héros de la volonté.
être protéiforme, le libertin peut endosser toutes les apparences que réclame une situation : ainsi Valmont qui, comme il s'est laissé aller à goûter sa charité simulée (lettre XXI), se prend à être "amoureux et timide" (lettre LVII) ou déguise dans ses lettres à Mme de Tourvel "le déraisonnement de l'amour" (lettre LXX); ainsi Mme de Merteuil, dont la duplicité sait jouer tous les rôles avec une jouissance cynique : elle trahit Cécile (lettre LXIII), jouit de voir qu'on la prend pour un guide consolateur (ibid.). comédien consommé, le libertin excelle dans la représentation, et l'agencement des lettres permet d'en savourer toutes les facettes.Ainsi les lettres d'amour de Valmont à Mme de Tourvel ( lettre LXVIII) sont confrontées au commentaire que le même en fait pour Mme de Merteuil (lettre LXX); les poses étudiées de celle-ci pour Prévan (lettre LXXXV) sont démasquées par le récit , faussement indigné et vertueux, de l'aventure (LXXXVII). metteur en scène, le libertin agit sur les événements et tire les ficelles (on aura pu noter les compliments qu'à ce propos la marquise de Merteuil s'adresse à elle-même dans la lettre LXXXI : Je commençais à déployer sur le grand théâtre les talents que je