Lors d'un discours en Allemagne, Sandra Kalniete, femme politique et femme de lettres lettonne, née en 1952 en Sibérie soviétique dans une famille déportée, déclare que la souffrance qu'elle a connu sous le communisme doit-être située au même niveau que la souffrance qu'ont subi les juifs sous les nazis. Ce discours provoque le scandale des juifs, se considérant comme les premières victimes dans une certaine hiérarchisation des mémoires et révèle l'existence d'un "rideau de fer mémoriel" entre Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est. Dès lors, il est primordial de s'interroger sur la place qu'occupe la mémoire de la Shoah et du Goulag dans l'Europe élargie à 27. Peut-on intégrer les pays de l'Est dans la construction européenne sur la base d'une mémoire commune ? La réunification du continent européen dans le domaine des cultures mémorielles apparait ainsi plus difficile que la réunification politique.
I – Un "rideau de fer mémoriel"
1.L'Europe de l'Ouest et le paradigme dominant de la Shoah
Dans l'Europe occidentale post guerre mondiale, s'est créé un paradigme national "résistancialiste" composé de discours et images qui véhiculent l'idée que les sociétés ont résisté aux nazis. C'est à partir des années 1960, que se développe un paradigme transnational universaliste de la Shoah dans un contexte marqué par le procès Eichmann en 1961, des procès de Francfort (1963-65) et par la guerre des Six Jours en 1967 où Israël est menacé par la Ligue Arabe. Les films Holocaust et Shoah dans les années 1970-1980, en mettant à nu la réalité des camps d'extermination, font prendre conscience de la nécessité du devoir de mémoire, Auschwitz devient alors un lieu de mémoire internationale.
Se met alors en place une mémoire de la Shoah dans les États occidentaux essentiellement, avec des repentances officielles, procès politiques tardifs, création de mémoriaux...
2.La Shoah comme "critère mémoriel de Copenhague"
Il s'agit d'un mouvement très occidental, un devoir de mémoire