Les étoiles au-dessus de vera-cruz
J'étais assis seul à une table, à La Faena, une cantina de la calle Venustiano Carranza, dans le centre historique. Dans ce lieu jadis fréquenté par des toreros, on pouvait encore voir des costumes de matador exposés dans des vitrines et, à l'entrée, un panneau où était écrit "Museo de Toreros". La nuit, des orchestres y faisaient halte mais il n'y avait plus de toreros pour les entendre. Cette époque était révolue. J'avais encore plaisir à me rendre à La Faena mais uniquement en fin d'après-midi, vers les cinq six heures, quant l'endroit était pratiquement désert. Les serveurs étaient toujours d'une politesse extrême. Ils étaient vieux et paraissaient vieux, aussi vieux que ces costumes dans leur écrin de verre. Parfois quelques touristes faisait leur petit tour, le temps de jeter un coup d'oeil sur les habits de lumière et de siroter une bière ou une tequila, mais il était rare qu'ils s'attardent et plus jamais on ne les revoyait. Le dallage était couvert de crasse. Tout était sale et poussiéreux et il eût été vain de chercher du papier dans les toilettes.
Paco m'apporta un Indio bien frais et emporta mon verre vide. S'appuyant sur ses béquilles, un unijambiste zigzagua jusqu'au juke-box et glissa quelques pièces de monnaie dans la fente. Dès que Julio Jaramillo commença à chanter, l'homme à la jambe coupée regagna le fond de la salle en clopinant et se laissa choir sur sa chaise. Sur sa table, il y avait un verre de Tequila et une Coronita. L'homme avala la tequila en deux gorgées et empoigna la mini bouteille de bière. Il devait être là depuis déjà un moment mais, avant qu'il ne vienne alimenter le juke-box, je ne l'avais pas remarqué. Son infirmité mise à part, il n'y avait rien de frappant dans son apparence. Sa peau était d'un brun assez clair et il pouvait bien avoir dans les quarante-cinq ou cinquante ans. Quand Julio Jamarillo eut fini de chanter "Amor sin esperanza", ce fut le tour d'Agustin Lara qui entonna