Lettre du marquis de ferrieres, 7 aout 1789
Lettre du marquis de Ferrières [député de la noblesse de Saumur, Anjou] au chevalier de Rabreuil.
« Versailles, 7 août 1789.
Monsieur, la séance du mardi au soir, 4 août, est la séance la plus mémorable qui se soit tenue jamais chez aucune nation. Elle caractérise le noble enthousiasme du Français. Elle montre à l’univers entier quelle est sa générosité et les sacrifices dont il est capable, lorsque l’honneur, l’amour du bien, l’héroïsme du patriotisme, le commandent.
M. le Vicomte de Noailles fit une motion, et demanda que les droits de banalité, rentes nobles foncières, droits de minage, exclusifs de chasse, de fuie, colombier, cens, redevances, dîmes, rachats, tous droits qui pèsent sur le peuple, et sont la source des déprédations des justices subalternes, des vexations des officiers, pussent être rachetés à un taux fixé par l’Assemblée Nationale. Le comte Mathieu de Montmorency appuya fortement cette motion. Plusieurs membres de la Haute Noblesse se joignirent à lui. Les ducs d’Aiguillon, du Châtelet, proposèrent ue, dès le moment, la Noblesse et le Clergé prononçassent le sacrifice de leurs privilèges pécuniaires. Le président de Saint-Fargeau ajouta qu’ils consentissent à faire rétrograder le sacrifice, pour les six derniers mois de 1789.
Les circonstances malheureuses où se trouvent la Noblesse, l’insurrection générale élevée de toutes parts contre elle, les provinces de Franche-Comté, de Dauphiné, de Bourgogne, d’Alsace, de Normandie, de Limousin, agitées des plus violentes convulsions, et en partie ravagées ; plus de cent cinquante châteaux incendiés ; les titres seigneuriaux recherchés avec une espèce de fureur, et brûlés ; l’impossibilité de s’opposer au torrent de la Révolution, les malheurs qu’entraînerait une résistance même inutile ; la ruine du plus beau royaume de l’Europe, en proie à l’anarchie, à la dévastation ; et, plus que tout cela, cet amour de la patrie inné dans le cœur du