Liguidi-malgam
Ce nom de village m'avait plu ou mieux m'avait pénétré comme certains mots vous saisissent, par leur résonance, leur musique. Quand j'en sus la traduction « l'argent m'arrange », j'en conclus, tout de suite, pour moi seul, que le village devait être de vieille, de très vieille, de plus que vieille fondation, d'avant que les cauris, apportés des bords de la Grande Mer par les premiers marchands d'esclaves, ne fussent dans le pays. Les cauris, monnaie de coquillage détrônée par les pièces de billon, que remplaçaient, de plus en plus, les billets, de moindre valeur aux yeux de tous ceux et de toutes celles qui avaient n'importe quoi à vendre sur les marchés.
Comme je le faisais très souvent - ou plutôt ne le faisais pas je n'avais pas prévenu le Commandant de Cercle de l'heure de mon arrivée. D'autant que je savais que je pouvais ne pas débarquer quand c'était prévu.
Deux mois avant cette tournée, j'avais été jusqu'en Gold-Coast et jusqu'à la pointe septentrionale du Togo, et j'avais pris exactement cent cinquante-sept déviations entre Ouaga et Dapango. C'est dire que les ponts coupés, dont il ne restait que les squelettes en pieux fourchus, n'étaient pas des obstacles à une marche régulière qui vous permettait d'arriver chez les gens à des heures honnêtes.
Bref, ce n'étaient pas les ponts coupés (depuis longtemps) ni les marigots à sec comme des gosiers de nabas (depuis plus de trois lunes) qui nous avaient retardés et retenus. Mais de simples crevaisons. La première, dont il me souvient comme de tout ce qui ne m'arriva jamais de néfaste et qui aurait pu l'être, m'avait laissé