Lucien Lucien était douillettement recroquevillé sur lui-même. C’était une position qu’il lui plaisait de prendre. Il ne s’était jamais senti aussi détendu, heureux. Tout son corps était au repos et lui semblais léger. Une plume, un soupir, comme une inexistence. C’était comme s’il flottait dans l’air ou peut-être dans l’eau. Il n’avait absorbé aucune drogue, usé d’aucun artifice pour accéder à cette plénitude. Lucien était bien dans sa peau, heureux de vivre. Sans doute était-ce là un bonheur un peu égoïste. Une nuit, le malheureux fut réveillé par des douleurs épouvantables. Il se senti pris dans un étau, écrasé par le poids de quelque fatalité. Quel était ce mal qui lui fondait dessus ? Et pourquoi sur lui plutôt que sur un autre ? Quelle punition lui était infligée ? C’était comme si on l’écartelait. On brisait ses muscles à coup de bâton. « Je vais mourir », se dit-il. Il ferma les yeux et s’abandonna à la douleur. Il était incapable de résister à ce flot qui le submergeait ; un courant qui l’entraînait loin de ses rivages familiers. Il n’avait plus la force de bouger. C’était comme si un carcan l’emprisonnait de la tête aux pieds. Il se sentait attiré vers un inconnu qui l’effrayait déjà. Il lui sembla entendre une musique abyssale. Sa résistance faiblissait. Le néant l’attirait. Un sentiment de solitude l’envahit. Il était seul dans son épreuve. Personne ne pouvait l’aider. C’était en solitaire qu’il allait franchir le passage. Il ne pouvait en être autrement. Ses tempes battaient, sa tête était traversée d’ondes douloureuses. « C’est la fin », se dit-il encore. Il lui était impossible de faire un geste. Un moment, la douleur fut telle qu’il crut perdre la raison et soudain ce fut comme un déchirement en lui. Un éclair l’aveugla. Non, pas un éclair, une intense et durable lumière plus exactement. Un feu embrasa ses poumons. Il poussa un cri strident.