Léon bourgeois
« Ce que nous appelons le parti radical et radical-socialiste n'est plus un parti au sens étroit du mot. C'est la démocratie française elle-même tendant à s'organiser dans la liberté et dans la paix. Le parti radical a un but : il veut organiser politiquement et socialement la société selon les lois de la raison, c'est-à-dire en vue de l'entier développement de la personne humaine dans tout être humain, en vue de l'entière réalisation de la justice dans tous les rapports entre les êtres humains.
Le parti radical a une méthode. C'est celle de la nature elle-même. Il sait que tout organisme naturel tend à se développer vers un état supérieur par l'évolution régulière de chacun de ses éléments coordonnés. Il attend donc de l'évolution morale et intellectuelle de chacun des individus l'amélioration progressive de la société. Et c'est pour la hâter qu'il fait de l'éducation publique le premier devoir de l'Etat, puisque c'est le premier intérêt de la nation. Il y voit le ressort essentiel du progrès, celui qui doit désormais remplacer les révolutions violentes, nécessaires jadis pour briser l'obstacle matériel de la force monarchique et césarienne, inutiles au contraire et injustifiables dans un temps où s'exerce librement la volonté de tous.
Le parti radical a une morale et une philosophie. Il part du fait indiscutable de la conscience. Il en tire la notion morale et sociale de la dignité de la personne humaine. Il en conclut pour celle-ci un droit et un devoir : le droit de chercher, par l'effort de sa raison, les conditions et les lois de ses rapports avec les autres êtres ; le devoir d'observer vis-à-vis des autres les règles d'existence qu'elle a ainsi déterminées. L'égalité des droits entre tous les êtres humains, l'obligation pour eux de pratiquer rationnellement le régime de la solidarité mutuelle sont les corollaires nécessaires de la doctrine. Ce sont les