Machiavel
Machiavel, secrétaire des Dix de Liberté et de Paix de la République depuis le 23 mai 1498, est banni lors de la prise de pouvoir de Florence par les Médicis en 1512. Fonctionnaire déchu, il cherche à rentrer en grâce auprès des Médicis.
Il écrit et dédie ce traité dans un premier temps à Julien de Médicis, frère du pape Léon X, puis à Laurent de Médicis. Celui-ci était plus amateur d'arts et de plaisirs de cour que d'art politique proprement dit. Machiavel entend mettre à sa disposition « la connaissance des actions des grands hommes, qu'il a acquise soit par une longue expérience des affaires des temps modernes, soit par une étude assidue de celle des temps anciens
Le Prince a souvent été accusé d'immoralisme, donnant lieu à l'épithète « machiavélique », bien qu'il ait été aussi loué comme traité politique, par exemple par Jean-Jacques Rousseau, qui en faisait le « livre des républicains ». Mis à l'index le 30 décembre 1559, Le Prince est censuré en Italie à partir de 1564 (date à laquelle l'index fut entériné par le Concile de Trente), avec les autres ouvrages de Machiavel.
Cet extrait du chapitre XVIII pose la question de la parole donnée en politique et donc aussi des rapports entre morale et politique. Nous montrerons que cette question dépend beaucoup de la nature du destinataire de ce texte, écrit à la fois pour le Prince et pour le peuple. Que faire du mal en politique ?
I. Conseiller le Prince
Afin de retrouver les bonnes grâces de son protecteur, Machiavel écrit ce traité destiné à Laurent de Médicis. Quelles contraintes, et quelles conséquences cette situation d’énonciation implique-t-elle ? Comment séduire le Prince en lui étant utile ?
1. Une double énonciation
On remarque d’abord la prudence du locuteur, qui n’emploie pas le « je » ; et semble s’effacer derrière des tournures impersonnelles : Chacun comprend, On peut combattre,