Madame Bovary, roman de Gustave Flaubert publié en 1857, s’inscrit au début de la période réaliste, et est souvent caractérisé, malgré lui, de premier roman de ce genre. Pour beaucoup, ce roman représente en effet l’idéal absolu de l’écriture réaliste : dépeindre la réalité telle qu’elle est, sans artifice et sans idéalisation, en l’occurrence celle de la vie bourgeoise à la campagne, et plus particulièrement celle, banale, d’une jeune femme frustrée partie à la recherche de la passion dans l’adultère. Il est vrai que le roman de Flaubert présente de nombreux critères d’écriture propres au projet réaliste. Ainsi, il regorge de descriptions, matière première de l’art réaliste, qu’il rend efficaces par la capacité de peindre environnements, atmosphères et personnages de manière particulièrement juste et réelle - dans ce sens donc, réaliste. Maupassant, un des adeptes les plus connus de Flaubert, écrit, pour qualifier la puissance évocatrice de Madame Bovary : « C’était la vie elle-même apparue ». Pourtant, comme toutes les tentatives de théorisation littéraire, le cantonnement du roman de Flaubert à une œuvre purement et simplement réaliste réduirait bien sûr les enjeux, la profondeur et l’esthétique d’un des romans les plus riches du XIXème siècle. Flaubert s’est toujours défendu de cet embrigadement au sein de l’école réaliste, et il semble évident, aujourd’hui, que Madame Bovary fait plus que remplir la simple exigence réaliste. Ainsi, l’étude d’une des descriptions les plus poignantes et les plus importantes dans l’économie du roman constitue un parfait moyen de compréhension des enjeux narratifs, littéraires et esthétiques qui sous-tendent l’œuvre.
Nous sommes au début du roman : Emma vient d’épouser Charles Bovary, et commence déjà à se lasser de la monotonie de son existence. L’invitation que le couple reçoit de la part du marquis d’Andervilliers, pour une soirée au château de la Vaubyessard, constitue la première incursion exotique dans un monde