Maladei maginaire
BÉRALDE.- Hé bien, mon frère, qu’en dites-vous ? Cela ne vaut-il pas bien une prise de casse ?
TOINETTE.- Hon, de bonne casse est bonne.
BÉRALDE.- Oh çà, voulez-vous que nous parlions un peu ensemble ?
ARGAN.- Un peu de patience, mon frère, je vais revenir.
TOINETTE.- Tenez, Monsieur, vous ne songez pas que vous ne sauriez marcher sans bâton.
ARGAN.- Tu as raison.
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SCÈNE II
BÉRALDE, TOINETTE.
TOINETTE.- N’abandonnez pas, s’il vous plaît, les intérêts de votre nièce.
BÉRALDE.- J’emploierai toutes choses pour lui obtenir ce qu’elle souhaite.
TOINETTE.- Il faut absolument empêcher ce mariage extravagant, qu’il s’est mis dans la fantaisie, et j’avais songé en moi-même, que ç’aurait été une bonne affaire, de pouvoir introduire ici un médecin à notre poste, pour le dégoûter de son Monsieur Purgon, et lui décrier sa conduite. Mais, comme nous n’avons personne en main pour cela, j’ai résolu de jouer un tour de ma tête.
BÉRALDE.- Comment ?
TOINETTE.- C’est une imagination burlesque. Cela sera peut-être plus heureux que sage. Laissez-moi faire ; agissez de votre côté. Voici notre homme.
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SCÈNE III
ARGAN, BÉRALDE.
BÉRALDE.- Vous voulez bien, mon frère, que je vous demande avant toute chose, de ne vous point échauffer l’esprit dans notre conversation.
ARGAN.- Voilà qui est fait.
BÉRALDE.- De répondre sans nulle aigreur aux choses que je pourrai vous dire.
ARGAN.- Oui.
BÉRALDE.- Et de raisonner ensemble sur les affaires dont nous avons à parler, avec un esprit détaché de toute passion.
ARGAN.- Mon Dieu oui. Voilà bien du préambule.
BÉRALDE.- D’où vient, mon frère, qu’ayant le bien que vous avez, et n’ayant d’enfants qu’une fille ; car je ne compte pas la petite : d’où vient, dis-je, que vous parlez de la mettre dans un couvent ?
ARGAN.- D’où vient, mon frère, que je suis maître dans ma famille, pour faire ce que bon me semble ?